Victoria  et son fondateur

Le compte rendu suivant sur Victoria, aux Cameroons, vient de la part d’une personne qui a pris un intérêt actif dans les destinées de la petite station de mission au pied des montagnes du Cameroun, apparaît dans le Pall Mall Gazette :

Il est maintenant bien connu que la colonie a été pendant de nombreuses années la propriété de la Baptist Missionary Society, jusqu’à ce que le gouvernement de Sa Majesté prenne l’ensemble de la colonie comme une possession de la Couronne britannique, mais les circonstances qui ont conduit à son installation par des Européens et des Africains chrétiens ne sont peut-être pas aussi bien connues. En ce qui concerne son origine, il nous faut remonter à l’époque qui suivit immédiatement l’émancipation des esclaves antillais. Beaucoup d’affranchis étaient liés aux diverses églises fondées par les missionnaires baptistes en Jamaïque, et souhaitaient ensuite envoyer dans la mère-patrie africaine la lumière et la liberté dont ils jouissaient. Le Dr Prince et le révérend John Clark, de Brown’s Town, furent envoyés pour y fonder une mission chrétienne. Ils s’établirent à Clarence, Fernando Po, une grande île située à l’embouchure de la rivière Cameroons, théoriquement en possession de l’Espagne. Leur visite en Angleterre suscita l’intérêt d’un jeune homme employé dans les chantiers navals de Sa Majesté, à Devonport.

Il s’agissait d’Alfred Saker, dont Livingstone a dit : Tout compte fait, et surtout en raison de ses multiples facettes, le travail d’Alfred Saker au Cameroun et à Victoria est, à mon avis, le plus remarquable de la côte africaine. Il arriva à Fernando Po, après un long séjour à la Jamaïque, en février 1844. Il ne tarda pas à faire une visite d’exploration sur le continent, et c’est là qu’il commença le regroupement des stations missionnaires sur ou près de la rivière Camerouns, qui a récemment été brutalement traitée par les Allemands au cours de leur tournée d’annexion. Ici, M. Saker a travaillé aussi bien qu’à Fernando Po.

Les tribus Douala étaient des sauvages et se faisaient souvent la guerre. Il a acheté des terres aux chefs pour les locaux de la mission. Il a construit sa propre maison, les locaux de la mission et une chapelle, et a enseigné aux indigènes les arts mécaniques, la fabrication de briques, la culture des jardins et les divers procédés liés à la civilisation. Des écoles ont été créées, un livre de base, un livre de classe et d’autres documents ont été produits, ainsi que des hymnes et des mélodies, et avant son retour en Angleterre, il avait non seulement terminé la traduction de la Bible entière en Douala, mais il avait enseigné aux jeunes Douala à composer les caractères et à imprimer les pages, à la Mission Press, à Béthel, au Cameroun. Béthel est l’une des stations situées dans les limites de ce qui est maintenant le territoire allemand.

Une catastrophe s’abattit sur la mission en 1858. La Couronne espagnole prit plus pleinement possession de l’île de Fernando Po, et l’Église catholique romaine fut proclamée comme la seule religion de Fernando Po, à l’exclusion de toute autre. Cet édit ne resta pas lettre morte. Le gouvernement général des îles espagnoles, accompagné de 6 jésuites, vint faire respecter la loi. La communauté chrétienne qui s’était constituée autour de la mission était résolue à chercher ailleurs un foyer et la liberté de conscience. Ils quittèrent leurs possessions et emportèrent tous leurs biens mobiliers sur le continent. Saker a ouvert une voie pour eux et leur a offert un foyer de remplacement.

Il acheta une bande de terre, large de cinq miles et longue de dix miles, sur les rives de la baie d’Amboises, ou Ambas, et y fonda une colonie nommée d’après sa bien-aimée reine Victoria. Son souhait et son intention étaient que la colonie naissante devienne immédiatement la propriété de la Couronne, mais le gouvernement négligeant ou refusant de temps à autre d’assumer un contrôle direct, la colonie est restée la propriété de la Baptist Missionary Society, jusqu’à ce qu’elle soit cédée au gouvernement de sa Majesté il y a quelques mois.

Au mois d’octobre 1858, M. Saker a présenté les « règlements » et les « lois » de la nouvelle colonie. Un ou deux passages relatifs à chacun d’eux seront intéressants. Il commence par : « Ce district, maintenant nommé Victoria, ayant été acheté au roi de Bimbia, et le droit et le titre de celui-ci ayant été cédés au possesseur actuel, et ce territoire ayant été formé comme un refuge et un foyer pour ceux qui ne peuvent pas se maintenir là où la liberté de culte est déniée, et pour tous les autres qui peuvent être désireux de vivre en paix avec nous, nous organisons et décrétons ce qui suit. »

Viennent ensuite le plan de la ville, des rues et des lotissements, ainsi que les « règlements » pour l’achat et les transferts de propriété, tous de caractère simple et bien défini. Les « lois » concernent tout ce qui a trait au bon gouvernement, à la moralité et à la religion. Il devait y avoir une liberté et une égalité parfaites en matière de religion, une liberté totale en ce qui concerne le commerce et le troc ainsi que l’importation et l’exportation de provisions, de vêtements, de machines et de tout le reste, à l’exception du rhum et des autres spiritueux, qui étaient entièrement interdits comme articles à vendre ou à troquer. Le brandy, le gin et le vin destinés à des fins médicinales étaient admis gratuitement, mais pour d’autres usages, non destinés à la vente ou au troc, un droit de 10 pour cent de la valeur était appliqué. Ces mesures se sont avérées efficaces, et la colonie jusqu’aux montagnes du Cameroun, aux pieds desquelles elle se trouve, pourrait servir de site pour un sanatorium ou une station thermale sur les pentes du Cameroun, où l’on pourrait s’assurer des brises de mer et d’une atmosphère vivifiante.

Otago Daily Times – New-Zealand- 18 mai 1885 – (traduit)

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