La personnalité de la semaine

Charles Atangana

Cette fois, la figure de la semaine est une note colorée… en noir…

Il y a plus de dix jours, les journaux ont annoncé la visite de Charles Atangana, roi des Pahouins ; Certains journaux, dans leur noble intérêt à ne pas être foulés aux pieds dans l’actualité, avaient déjà considéré que l’auguste monarque brun était arrivé et séjournait à la Cour… Et bien que, en fait, il ait débarqué le 22 dernier à Cadix, ce n’est que samedi matin que nous avons eu le plaisir de recevoir sa visite…. Il est arrivé par l’express andalou, accompagné de son héritier, le prince Jean Ndengue, de ses secrétaires et de certains de ses conseillers.

Dans cette caricature de l’ingénieux K-Hito, le roi des Pahouins, tête découverte, semble vouloir dire que le chapeau européen, disgracieux, est une chose qui ne convient pas sur la tête monarchique africaine…
Notez le geste d’honneur de la servante madrilène qui sert le petit-déjeuner au roi exotique.
Il n’est vraiment pas si facile de « porter un toast » à un personnage de cette envergure

Après avoir visité plusieurs auberges somptueuses, le roi de Yaoundé s’est installé dans une modeste auberge de la Calle del Arenal. Il ne faut pas oublier que les biens du monarque noir ont été confisqués par les Anglais depuis le début de la dernière guerre européenne.

Mais beaucoup de nos lecteurs se demanderont : qui est ce roi des Pahouins ? D’où vient-il ? Que veut-il ?
Nous avons cherché à le savoir lors d’une longue conversation avec lui. Il est très sympathique.

Avant la guerre, Charles Atangana était le chef suprême de Yaoundé, une tribu importante du Cameroun allemand. Sous sa domination et son autorité prestigieuse, il avait trois cent cinquante chefs indigènes et plus de deux millions de sujets noirs. La haute représentation au Cameroun occupée par Charles Atangana a été provisoirement héritée de son père, et plus tard, tous les chefs indigènes réunis, ont voté son nom définitivement pour les gouverner….
La civilisation allemande — sous le protectorat de laquelle se trouvait Yaoundé — a enlevé le charme de la figure de cet intéressant monarque.
Aujourd’hui, Charles Atangana est bien loin de la rudesse sauvage ; au contraire, c’est un parfait gentleman, doté d’une éducation européenne exquise et d’une culture large et soignée.

En Allemagne, il a obtenu deux diplômes : philosophie et sciences et ingénierie. Il parle couramment l’allemand, l’anglais, l’italien et l’espagnol, ainsi que douze dialectes indigènes, et est un grand pratiquant de tous les sports modernes. On dit de lui qu’il est le meilleur tireur au fusil et au couteau. C’est dire si ce « tour », que l’on faisait autrefois au Théâtre comique pour faire sursauter les simples partisans de la scène, est maîtrisé par le monarque noir, mais… pour de vrai.

Le patron et son entourage sont habillés dans les vêtements européens les plus élégants, non seulement ici, mais aussi au Cameroun.

Charles Atangana est né païen, mais plus tard, sous le protectorat allemand, il est devenu catholique, et aujourd’hui son Dieu est le nôtre, et il est marié chrétiennement à une belle femme noire. De son mariage, il a un fils et une fille. Le fils, âgé de dix-huit ans, est le prince qui l’accompagne dans son voyage : un garçon éclairé, sympathique et expansif, éduqué dans le même moule que son père. La fille a dix-sept ans et se trouve à Berlin, où elle termine ses études.

Comme vous pouvez le voir, l’héritier de la dynastie dominante de Yaoundé ne se prive de rien. Le voici dans un pyjama de flanelle, élégant et coquet.
Dans cette composition photographique, nous capturons le présent et l’avenir de la monarchie Pahouine :
le père, Charles Atangana, un géant d’ébène, qui conserve encore les arabesques du tatouage sur sa peau de bronze brillante, signe de sa royauté africaine. Le fils, le prince Jean Ndengue, héritier de la Couronne, est plus fragile ; ses traits sont plus fins et ses mouvements moins saccadés, comme si la civilisation, qui a préservé sa peau de la marque barbare du tatouage, l’avait affiné, stylisant sa silhouette…

Physiquement, la figure du roi des Pahouins est intéressante : c’est un magnifique spécimen de sa race ; il a toute l’arrogance du Yaoundé.
Il est jeune — il vient d’avoir trente-six ans — grand et fort comme un boxeur noir. La laideur de son visage – vu derrière le prisme européen — est effrayante : yeux bridés ; sourcils méphistophéliques; sourcils très proéminents ; petit front, et grande bouche, avec des lèvres très pleines ; quand il rit, il montre même ses gencives, semées d’une dentition très blanche, au centre de laquelle brillent des gouttes d’or. Son teint, d’ébène comme celui d’Othello, est couvert de nombreux tatouages bleus : un croissant de lune entre les sourcils, deux ailes d’aigle prolongeant les yeux, et des couteaux sur les joues.

Maintenant, laissez-nous savoir la raison de cette auguste visite.

Au début de la guerre, et lorsque les Alliés ont occupé la Guinée allemande, ce personnage noir, avec ses ministres et son entourage, a été interné en Guinée espagnole — Fernando Poo. Là, sous notre protection, assisté avec sollicitude par le gouverneur espagnol, le général Barrera, il a attendu la fin de la tragédie européenne. Maintenant, ces colonies allemandes ont changé de propriétaire : elles appartiennent aujourd’hui aux alliés, et Charles Atangana vient en Espagne, d’abord pour remercier le roi Alphonse XIII de la protection qu’il lui a accordée pendant ses années d’exil, et ensuite pour que notre roi exerce son influence auprès des puissances alliées afin que, lorsque le roi des Pahouins reviendra dans ses territoires, sa présence soit bien accueillie. Voilà ce qu’il en est de cet imposant roi noir qui, tel un roi mage de la nativité, traverse les rues de Madrid.

« Nuevo Mundo – 10 octobre 1919 – BNE-(Traduction personnelle)

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