Saisissez l’opportunité !

Un Don CARLOS VIII chez les  Madrilènes

À la mi-août, le chroniqueur soussigné a publié dans El SOL une « annonce gratuite » sous le titre « On cherche un placement pour le Kronprinz ».

Ce personnage sans succès annonçait qu’il s’offrait « pour tout », comme la plus petite des assiettes, et quand nous nous sommes plu à donner de la publicité à une telle demande d’occupation modeste mais sûre, nous avons signalé une sorte de « siège vacant » qui est maintenant vacant dans la politique espagnole (une section d’objets fantaisistes) qui pourrait facilement cesser de l’être, si l’ancien prince héritier de Prusse et d’Allemagne avait le courage de dire aux paroissiens du susdit « siège vacant » : vous suis-je utile ?

L’article susmentionné, qui, bien qu’il ne soit pas agréable de le dire, était plein de raisons solides et d’arguments convaincants, se terminait par ces lignes : « l’ex-Kronprinz veut un placement. Les ex-Jaimistes désirent un Prétendant. Que les deux désirs se réconcilient et que nous allions de l’avant avec les fanions, afin que tous puissent être placés à leur guise« .

Cette « idée », aussi opportune et pratique soit-elle, a subi le triste sort de tant d’autres, tout aussi brillantes.

Personne n’y a prêté attention : ni l’Auguste Hoherzollern à qui nous avons offert une position de majesté, même si elle était in partibus, bien plus brillante que celle de rabatteur, de meunier ou de chauffeur de voiture, comme il l’a demandé, ni ces royalistes sans roi qui courent l’Espagne comme des génisses sans cloches de vache, après leur rupture avec Don Jaime de Borbon.

ils n’ont même pas – ingrats, plus qu’ingrats ! – daigné vous remercier de la bonne volonté avec laquelle vous leur avez offert la solution la plus princière et la plus germanophile qu’ils pouvaient souhaiter.

Rien de tel qu’une ingratitude manifeste pour produire un châtiment sain et efficace ; ah mais ! la tolérance du chroniqueur soussigné ne connaît pas de limites. Il préfère être enterré sous la fange de ses illusions plutôt que d’être châtié par les leçons amères de la réalité !

Il n’atteint pas un canonnier ? Eh bien, deux sont abattus.

Et voilà le deuxième, puisque le premier n’a pas suffi à ceux qui ont manqué l’occasion d’occuper la prétoire royale avec un personnage, et même un figurant, aussi important que le plus grand garçon de l’ex-Kaiser allemand.

En continuant avec les si célèbres archives de Candelario, un roi tout à fait authentique vient de se rendre à Madrid, même s’il est aujourd’hui de la classe marginale.

C’est le roi des Pahouins, qui a heureusement régné, bien qu’il ne gouvernât pas, sous la domination allemande, sur les terres africaines que les Espagnols appelaient Camarones, lorsqu’ils n’étaient pas encore devenus les saints dieux ignorants et ringards qu’il faut être pour abandonner sa toponymie historique et accepter à pleine dent les dénominations étrangères déformées.

Comme une pluie du ciel – et attention, hier il a vraiment plu à Madrid – arrive le roi des « pahouins », avec son héritier, qui a déjà dix-huit ans, avec son secrétaire, et avec trois ministres qui peuvent rejoindre la coalition conservatrice ou libérale, selon qu’ils l’aiment pour le fric ou pour le prestige.

C’est-à-dire que, puisque les royalistes sans roi ne voulaient pas de l’ex-Kronprinz, la Providence leur a maintenant donné un bellâtre de la meilleure qualité pour les bottes de cheval qu’ils ont violemment retirées à Don Jaime de Borbon[1].

Le roi des pahouins, dit-on, vient à Madrid pour des raisons totalement étrangères à notre politique intérieure : mais il existe un dicton, légèrement modifié :

— Quand le jais et l’ébène passent, achetez-les.

Si les ex-jaimistes rencontraient le roi des Pahouins, un accord entre les deux parties serait tout à fait possible, et serait résolue de merveilleuse façon  la situation du monarque expatrié de sa « monarchie » de Camarones et celle de ces monarchistes, très fervents   mais sans monarque disponible… jusqu’à ce que le roi des Pahouins arrive chez les Madrilènes.

Celui qui, en sa personne auguste, réunit toutes les conditions souhaitables pour le cas ; car la Providence – bénis et loués soient ses desseins !- ne fait jamais les choses à moitié.

Le roi des pahouins, aussi chrétien que n’importe lequel des notables que nous connaissons par cœur, porte le nom de Carlos. Carlos ! Un Carlos VIII possible et disponible ! … Disons en bons providentialistes: Digitus Dei est hic.
Mais il y a d’autres signes du doigt divin. Le roi pahouin a été beaucoup plus prévoyant dans l’ordre dynastique que Don Jaime, et comme on l’a dit, il amène avec lui le jeune homme qui doit lui succéder, et qui s’appelle Jean.

Juan ! Le même que l’homo missus à Deo ! Le même que M. Vázquez de Mella !…. N’y a-t-il pas une quantité énorme de signes providentiels dans tout cela ?

Le Don Carlos Pahouin offre toutes sortes de garanties à ceux qui vont maintenant se suicider politiquement s’ils ratent aussi cette occasion souveraine de redevenir et de s’appeler carlistes.

Un germanophile avéré, le Don Carlos de Camarones. À Berlin, il a toujours une fille de dix-neuf ans qui « étudie ». Son Altesse est déjà bien grande pour une élève ; mais… elle étudie probablement pour devenir une blonde.

Et rien de plus. La Providence, d’une part, et le chroniqueur soussigné, d’autre part, nous sommes infatigables dans nos projets et rendez-vous respectifs ; mais comment faire autrement !

Même cette candidature providentielle (si le candidat est à l’aise avec le jais, l’ébène et le bitume) sera méprisée par ceux qui n’ont pas profité de la candidature de l’ex-Kronprinz.

Nous ne sommes personne ! Ni les rois déchus, ni les princes excédentaires, ni les chroniqueurs avec leurs propres idées, ni la Providence qui montre du doigt.

Mariano de Cavia – El Diario Independiente – Madrid – 25 septembre 1919 – BNE -(traduction personnelle)


[1] Jacques de Bourbon-Parme (en espagnol : Jaime de Borbón y Borbón-Parma ), prince espagnol, prétendant  au trône de France et d’Espagne de 1909 à 1931. Le carlisme est un mouvement légitimiste d’Espagne qui réclamait le titre de roi pour la famille des Bourbons. (NDLR)

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