CAMARONES
Il faut nommer sous cette forme, et non pas Kamerun ou Cameroun, – chers collègues de la section guerre européenne des journaux – l’ancienne colonie allemande de la côte ouest de l’Afrique, une région montagneuse d’environ 150 kilomètres d’étendue en face de Fernando Poo, où, depuis le début de la guerre, des combats opposent les troupes coloniales britanniques et allemandes.
Comme il se trouve que dans ces combats cela nous est compliqué de temps en temps par le fait que l’Espagne a des territoires continentaux dans les régions environnantes, il est bon de rappeler que cette colonie de Camarones ou Kamerun, en allemand, comme le disent la plupart des journaux, même ceux qui ont une sainte horreur de tout ce qui est germanique, était une colonie allemande à partir de l’année 1884, et n’était pas espagnole…. par manque de ressources, c’est-à-dire pour ne pas avoir pu réunir les pesetas nécessaires à l’établissement de la factorerie, pesetas toujours en bien moindre quantité que celles produites par une corrida !
L’histoire est curieuse et déjà oubliée, croyez-le ou non. Ça dégouline de sang. Du 4 au 10 novembre 1883, le Congrès espagnol de géographie coloniale et mercantile s’est tenu dans l’auditorium de l’Université centrale. Les séances se succédaient dans l’indifférence la plus absolue, bien qu’il s’agisse de jeter les bases d’une politique coloniale, et seuls quelques sages comme Macanas, Ferreiro, Szavedra, Figuerela, Azcarate, Costa, P. Mata, Canovas del Castillo et le malheureux Reparaz, travaillaient sur les différents documents de cette assemblée transcendantale.
L’immense autorité et les paroles éloquentes de Don Antonio Maura avaient déjà beaucoup parlé sur ce sujet. Lors de ce congrès, Costa a présenté un mémoire sur la décadence navale de l’Espagne et la nécessité de reconstruire nos forces maritimes, un discours qui a aujourd’hui une valeur inestimable. Un des historiens, (Repara : » Politica de Espana en Africa, page 283) dit de la rare protection officielle :
« Eh bien, quand il a dû agir, le chef de l’État est tombé malade ; M. Canovas est tombé malade ; M. Iradier est tombé malade ; M. Riscal et M. Urquijo sont tombés malades ; M. Fellu ? et M. Nicolau sont tombés malades, et il semble que ce soit une loi maudite de la vie que, lorsqu’une pensée élevée germe dans un peuple arriéré incapable de la comprendre, les quelques individus en son sein capables de l’initier et de la faire naître se sentent faibles et tombent malades. »
De ce congrès est née la Société espagnole d’africanistes et de colons, qui a immédiatement voulu mettre en pratique la dernière partie d’un thème développé par Costa, qui n’était rien d’autre que le suivant : » Adoption d’un plan pour procéder immédiatement à la fondation d’usines mercantiles et de structures civilisatrices dans les régions de la planète les plus favorables aux intérêts de notre nation et pour entreprendre des explorations scientifiques dans certaines d’entre elles « .
Nous regrettons que certains des paragraphes que Costa a écrits en prologue pour développer cette immense et magistrale idée ne trouvent pas leur place ici. Il se trouve que Costa n’a pas voulu donner de la publicité à l’idée d’établir des factoreries et des postes d’occupation, en commençant par la côte saharienne, sans en informer préalablement le gouvernement, dans une exposition, qui a été signée avec lui par Coello, le comte de Morphi et Garcia Martin. Après avoir reçu la réponse du gouvernement, qui était totalement trompeuse, la propagande a commencé par des conférences et quelque 150 lettres adressées à d’autres personnes réputées patriotiques, riches et intelligentes. En même temps, une subvention de 7500 pesetas a été demandée pour deux et trois baraques, avec les noms et les mentions des pêcheries et des factoreries, qui serviraient de signe matériel d’occupation.
Aux lettres adressées à des aristocrates connus, presque tous ont répondu en refusant de donner un seul centime. Le fait est que quelques-uns ont donné de l’argent, parmi eux Don Carlos Prast. Avec 7500 pesetas de l’État, 3000 de S.M. le Roi Alfonso XII et ce qui a pu être recueilli, en perdant beaucoup de temps, l’expédition a été préparée, avec un budget total de 37 017 pesetas et 50 centimes.
Le premier et principal article du programme de Costa, qui devait être exécuté en Afrique par cette première expédition, était l’occupation de Camarones car, une fois celle-ci réalisée, le vaste littoral entre cette région et le Rio Muni serait laissé à l’Espagne… Mais onze jours avant le départ de notre expédition (qui avait perdu deux mois à récolter quelques pesetas), le docteur Nachtigal débarqua dans ces lieux et en prit possession au nom du gouvernement allemand.
Telle est, chers camarades, la triste histoire de ce territoire que l’on appelle de manière barbare Kamerun ! Et dire que parce que nous n’avions pas ces pesetas – que d’une corrida de « phénomènes » nous aurions retirées – l’Espagne n’a pas pu s’assurer un empire colonial en Afrique supérieur en extension et en richesse à Cuba, Porto Rico, les Philippines et les Carolines réunis !
El Defensor de Cordoba – 11 février 1916 – traduit